Le soleil se couchait sur l'horizon. Une brise légère effleurait les branches des arbres et portait un doux son de bruissements accompagné de quelques chants d'oiseaux. Un théâtre paisible. Jusqu'à ce qu'elle entre en scène. Les portes n'étaient plus qu'à quelques centaines de mètres et elle savait que les chiens n'étaient pas très loin. Voilà deux jours qu'elle fuyait. Ses pieds en sang la faisait souffrir le martyr. Esperenza l'esclave autolibérée espérait désormais plus qu'une chose, enfin passer les portes de l'Université. C'était ça, son but. C'était là qu'elle pourrait enfin se reposer suite à cette traque infernale.

À plusieurs reprises, la jeune femme avait cru se faire rattraper. Mais à chaque fois elle avait réussi à les semer pendant quelques heures de plus. Cependant, elle arrivait au bout de ses forces. Elle n'en pouvait plus. Elle avait besoin de repos après plus de quarante heures de course poursuite. Traquée comme un animal, elle savait que son destin serait tout aussi funèbre que le gibiet qui se laissait surprendre par le chasseur. Elle n'aurait pas de rédemption possible, l'occasion ne lui serait pas offerte. Pas par les mains du maître de la maison Rockshire en tous cas. Et il n'aurait de cesse de la traquer si elle se faisait refuser l'entrée de cette académie magique.

Le célèbre établissement internationalement connu était son unique porte de sortie, la seule qu'elle pouvait atteindre en tous cas. Alors qu'un sourire de soulagement s'affichait sur le visage endolori de la bronzée, elle sursauta. Elle venait de l'entendre. L'aboiement de rage des chiens qui l'avaient repéré. Elle s'était arrêtée un instant pour respirer, cet instant était terminé. Peut-être avait-il été trop long même. Elle n'en savait rien. Elle n'avait plus le temps d'y réfléchir.

Poussée par son ombre, la fuyarde se mit à courir plus vite encore, poussant ses muscles et sa chaire qui lui faisait souffrir considérablement à la porter quelques mètres. Ces quelques mètres qui la séparaient de sa dernière chance, elle ne pouvait se permettre d'échouer à les franchir. Sinon, ce serait sans doute une fin horrible qui l'attendait.

Ses pieds ne touchaient presque plus le sol. Filant comme le vent, une voix lui répétait de courir, de courir sans se retourner, de courir même si elle n'en était plus capable. Elle le lui répétait si près de son oreille qu'elle aurait pu croire être folle si elle ignorait d'où provenait cette voix. Elle venait de son ombre bien sûr. C'était elle qui la portait cette fois encore. Qui lui permettait de faire plus que ce qu'elle n'aurait sû faire seule. C'était elle qui lui avait permi de changer de page, et quand bien même ces deux jours avaient été horriblement durs pour l'orpheline, elle arrivait au bout de ceux-ci vers une nouvelle partie de son histoire. Qui éviterait aussi la fin d'un livre bien trop prématurément. Ou alors peut-être était-ce déjà choisi ?.. Non. Hors de question.

Fuyant les chiens tout comme un hypothétique destin, elle passa enfin les portes de l'université, s'effondrant dans la cour de cette dernière. Vide, elle représentait malgré tout une sorte de mur qui arrêta les chiens. Ces derniers devaient sentir l'aura mystique du lieu, ils n'osèrent pas y entrer ainsi. Se relevant tant bien que mal, effrayée, la brune s'enfonça un peu plus loin, essayant ainsi d'échapper au regard des bêtes et de leur maître lorsque ce dernier arriverait, sans doute d'ici quelques minutes. Il saurait où elle était, mais il n'oserait pas entrer. Il n'oserait pas bafouer l'autorité de l'université. Elle en était certaine.

Pour autant, elle était maintenant là, prostrée dans sa robe blanche bien salie par la terre et la poussière, éreintée, à attendre d'entendre quelqu'un passer pour quémander de l'aide.

Les quelques personnes déjà dans la cour semblaient comme tétanisés, ou trop absorbés par leurs propres activités. Aucun d'entre eux ne réagit réellement à l'arrivée de l'esclave essouflée. Tout au plus regardaient-ils les chiens avec une certaine crainte, ou un mélange d'incompréhension et de curiosité pour les plus courageux d'entre eux.

Quoi qu'il en soit, la jeune femme en robe empoussierrée ne pouvait compter sur aucun d'entre eux puisqu'ils n'étaient même pas capables de réagir à une scène pareille. Elle avait d'ailleurs surtout peur que le maître Rockshire arrive, ordonne qu'on l'attrape et qu'on l'ammène à lui et que les élèves hébétés ne lui obéissent. Ou qu'ils laissent tout simplement les chiens la traîner jusqu'à lui. C'était sans doute une possibilité, et elle ne se ferait pas dans la douceur si elle devait arriver.

Quoi qu'il en soit, elle fut bousculée dans ses pensées par la voix d'une jeune fille proche d'elle. Relevant brusquement la tête, plongeant ses yeux sombres dans ceux de la rouquine aux iris rougeoyants, Esperenza reprenait encore tant bien que mal sa respiration. Sa gorge asséchée par le manque d'eau et la poussière qu'elle avait avalé dans sa course jusqu'ici la bloqua quand elle tenta d'ouvrir la bouche pour répondre. Se raclant un peu la gorge, cherchant de la salive là où elle le pouvait pour essayer d'être intelligible, elle fit une nouvelle tentative après quelques secondes d'une voix un peu plus rauque que son timbre clair habituel.

« B-.. Bonjour... »

La rouquine s'était rapprochée suffisamment pour qu'elle puisse l'observer en détails malgré la faible luminosité dans ce recoin de la cour en fin de soirée. Les questions de l'enfant la firent frissonner. Ce n'était pas que son cerveau qui lui jouait des tours avec la faim, la fatigue et la soif. Les molosses étaient toujours là, à aboyer fortement à l'entrée de l'Université.

« Ils... Ils me veu... veulent... Je dois... m'inscrire ici... Tu... Tu peux me guider... Vite ?.. S'il te plait... Avant qu'il arr- »

Prise d'une quinte de toux, elle s'arrêta quelques instants, sa voix bloquant régulièrement tant sa gorge était asséchée.

« Avant qu'il arrive... S'il te... plait... »

Regardant la jeune fille avec espoir, jetant de brefs coups d'oeil craintifs dans la direction de l'entrée même si elle ne la voyait pas d'ici, Esperenza attendait une réponse qu'elle espérait positive de tout coeur. Mais tant qu'elle n'avait pas la moindre idée de si cette fille allait accepter, elle préférait ne plus bouger.

Observant la rouquine avec des yeux craintifs, la jeune femme prostrée dans son coin sentit un frisson terrible lui parcourir l'échine. Si elle ne se retrouvait pas très rapidement hors de la vue des chiens et de son maître, il viendrait la chercher ici-même, même si elle était dans l'enceinte de l'Université d'Ariadne. Il n'en aurait que faire des règles habituelles tant qu'il pouvait mettre la main sur celle qui venait de tuer son fils ainé. Il n'y avait que s'il ne la voyait pas que peut-être, sans preuve visuelle qu'elle était bien là, il n'oserait pas venir directement l'attraper. Elle le sentait au plus profond d'elle-même. Il fallait faire vite.

« D'acc... D'accord ! Vite... S'il te plait... »

Esperenza tenta alors de se lever, mais la douleur que l'adrénaline avait plutôt bien réussi à contenir jusque là revenait en flèche à travers tout le corps de la bronzée si bien qu'elle manqua de perdre connaissance, se rattrapant tout juste au mur contre lequel elle s'était blottie.

« Je te suis... »

Dans un souffle douloureux, elle avait parlé vite, tâchant de suivre au mieux cette fille qui avait osé l'aborder. Elle lui proposait un repli stratégique à l'infirmerie, tant mieux, elle y serait beaucoup plus à l'abris qu'à rester ici en plein milieu du chemin.

« D'acc...ord... Je verrais... Plus tard... »

Sa gorge sèche lui donnait l'impression d'être faite de papier de verre, tout comme sa langue qui râpait presque l'intérieur de son palais à chaque tentative de communiquer. Retenant une grimace de douleur, Esperenza commença à mettre un pas devant l'autre, la douleur la traversant à chaque avancée. Mais pour autant, elle ne s'arrêtait pas. Elle ne le pouvait pas. Il fallait qu'elle se sorte de là. Il le fallait à tout prix.

La question plutôt innocente de l'enfant la destabilisa alors qu'elle marchait de son mieux, lui arrachant un sourire triste.

« Oui... Beaucoup... de mal... »

Tenir bon. Elle devait tenir bon. Atteindre l'infirmerie et s'y cacher des yeux de Rockshire et de ses molosses. C'était facile, non ? Elle avait bien marché deux jours. Aller, ce n'était plus grand chose. Elle pouvait le faire. Il fallait qu'elle le fasse. Il le fallait à tout prix.

Alors qu'elle peinait à marcher, un homme vint à l'aide du duo étrange, soutenant la nephilim qui s'ignorait. Derrière la jeune fille, Esperenza suivait de son mieux avec l'appuis de cet homme-coq, une race qu'elle trouvait assez étrange et qui était assez peu commune. Elle ne fit cependant aucun commentaire, ayant bien connaissance de tous les problèmes de rejet et d'acceptation qui pulullaient entre les races. Et elle avait des problèmes plus important que de se soucier d'autrui à vrai dire. Pour l'instant, elle devait se faire un peu remettre sur pieds et surtout rencontrer une autorité de l'université pour y avoir enfin un véritable vis-à-vis à qui elle pourrait expliquer sa situation et le convaincre de ne pas la jeter en pâture aux chiens qui aboyaient à l'entrée de la cour.

Face à l'infirmière, la brune essaya de la saluer faiblement mais sa gorge était trop sèche, elle n'arrivait même plus à sortir un son. Elle avait déjà usé toutes ses réserves à ce niveau. Il lui faudrait de l'eau pour communiquer convenablement. L'homme l'aida alors à s'installer sur le lit désigné par la doctoresse. La jeune femme aux yeux marron lui fit un signe de tête et un faible sourire en remerciment, essayant de retenir son visage et son apparence de manière générale. Quand elle le recroiserait, elle pourrait le remercier un peu plus dignement.

Alors qu'il s'éclipsait, ayant terminé sa part, l'esclave en fuite se retourna vers l'infirmière qui parlait encore avec la jeune fille qui avait osé l'approcher. Quand elles eurent fini leur échange, Esperenza fit un nouveau sourire vers cette petite qui avait prit le temps de l'aider de son mieux. Même si ce n'était pas grand chose dans les faits, c'était énormément d'aide aux yeux de l'étrangère.

« M... »

Toussant un peu, elle se reprit, forçant sur ses cordes vocales pour sortir le mot qu'elle souhaitait. C'était important à ses yeux.

« Merci... »

Sa voix était faible et enrouée, mais elle avait réussi à l'exprimer. Elle s'allongea alors, laissant la fille partir. En quelques instants, elle sombra dans un sommeil profond qui ne laissait aucun doute possible sur son état d'épuisement. Elle en avait besoin avant tout. L'infirmière aurait bien le temps d'avertir un professeur si elle l'estimait nécessaire. Enfin, pour l'instant, tout ce qui importait pour la brune c'était de dormir, et enfin c'était possible.


Après quelques heures de sommeil, Esperenza se réveilla faiblement. Elle aurait besoin de plus que ça pour être totalement remise, mais elle avait déjà pu récupérer suffisamment de forces pour pouvoir réfléchir et agir correctement. Elle ignorait ce qu'il s'était passé, mais visiblement, elle était toujours dans l'infirmerie. Elle n'avait pas été livrée aux Rockshire, elle était sauve. Pour l'instant.

Découvrant un verre d'eau posé sur une table à côté de son lit, elle le but sans se faire prier avant de se racler un peu la gorge et de regarder avec une certaine timidité l'infirmière qui avait tourné la tête en l'entendant bouger.

« Bonsoir... Désolée de cette arrivée... J'ai pas trop eu le choix... Merci... Pour ça... »

Elle ne savait pas trop quoi dire à cette femme qui s'était occupé d'elle. Elle verrait bien ce que l'infirmière avait décidé après tout. Autant se laisser porter pour l'instant.

Un peu gênée face à l'infirmière, Esperenza resta debout, les mains jointes dans le dos. Ses jambes lui faisaient mal mais ce n'était rien d'insurmontable. Elle attendit alors que cette dame lui en dise plus, notamment sur la suite. Elle avait suffisamment dormi pour être capable de réfléchir même si elle ne dirait pas non à une nuit entière de sommeil. Quoi qu'il en soit, elle ne pouvait pas faire de prévisions tant qu'elle ne savait pas ce qui allait se passer pour elle et si elle allait être acceptée au sein de l'établissement en tant qu'élève. Il n'y aurait que là qu'elle serait à l'abris des Rockshire.

Les paroles de l'infirmière suite à cela la firent frémir dans les premiers instants avant qu'elles ne la rassurent. Cela n'avait rien d'étonnant qu'il soit resté là pendant des heures. Elle avait tué son fils malgré tout. Et si son propre acte la dégoutait désormais au plus haut point, même si elle ne ressentait plus le besoin de vomir comme elle l'avait eu dans les premières heures de sa fuite, la brune aux yeux sombres savait qu'elle devait avancer avec ceci sur la conscience. Elle ne pourrait pas l'effacer, et elle comprenait la haine du père Rockshire quand bien même sa propre haine envers cette famille était elle aussi justifiée. Jamais personne ne l'avait véritablement bien traité.

« D'accord... Merci... »

Soupirant de soulagement, elle resta là les bras balants pendant de longues secondes, observant la femme envoyer son familier à la recherche d'un professeur qui ne tarderait pas d'arriver. Après quelques secondes d'hésitation, elle se gratta la tête un peu nerveusement alors que la doctoresse expliquait qu'elle ne pourrait pas rester ici sans raison.

« Ou-oui. Bien sûr. Je... »

Avalant sa salive, elle releva les yeux, plantant son regard dans celui de l'infirmière.

« L'homme aux portes. J'ai tué son fils. »

Se grattant plus fort, elle se reprit, se rendant compte du manque crucial de contexte. Elle était mal à l'aise et elle avait peur de se faire rejeter. Mais en même temps... En même temps ce n'était pas cette pauvre dame qui allait la sortir de force. Alors elle pouvait bien lui dire. Les conséquences seraient inexistantes.

« Je suis esclave depuis que j'ai quatre ans. Je sais rien d'avant. J'ai grandi à l'Élevage près d'Hellas et les Rockshire m'ont acheté à treize ans. J'en ai vingt-deux maintenant et j'ai finalement réussi à me libérer de mon collier. Et j'ai tué le fils ainé pendant qu'il me prenait. Ils m'ont beaucoup partagé avec son frère et ça a fini par me rendre folle alors je l'ai massacré. Et quand je suis revenue à mes sens, j'ai fui. Et je suis arrivée là. »

Sa voix était devenue plus froide, plus distante. Comme si elle n'avait pas réellement vécu ces évènements, ou comme s'ils étaient banals. La mention de son propre viol à répétition ne semblait d'ailleurs ne rien lui faire.

« J'aime apprendre et j'ai ça qui m'accompagne... C'est ça qui m'a permi de m'enlever le collier. Mais je le maîtrise pas vraiment. »

Plutôt qu'une longue explication qui l'ennuyait rien qu'à y penser, la jeune femme dont l'attitude avait totalement changé, tant dans sa voix, ses paroles et sa posture décida de fermer les yeux et de se concentrer. Donnant ainsi un ordre à son ombre, cette dernière se rapprocha vivement de son corps et s'y colla, rendant plus sombre tout un côté d'Esperenza sans que ceci soit logique par rapport aux éclairages de la pièce. S'approchant du bureau, elle le souleva sans le moindre mal avant de le reposer doucement sur le sol dans un geste sûr. Elle ne tremblait pas le moins du monde malgré le poids du meuble.

« J'ai appris à faire ça toute seule mais je voudrais savoir réellement utiliser ma magie. La comprendre pour pouvoir en tirer un meilleur profit. »

Laissant revenir son ombre à sa place normale, cette dernière lâchant un petit rire sinistre au passage, Esperenza eut une petite grimace de gêne, ce genre de réaction de son familier étrange ne présageant rarement quoi que ce soit de bon.

« Maintenant, vous savez. »

La première réponse de l'infirmière l'agaça un peu. Elle devait avoir entendu l'autre enfoiré de Rockshire crier à la mort. Ou on le lui avait rapporté. Mais non, elle ne savait pas. Préférant ne pas lui répondre trop aggressivement pour l'instant malgré tout, Esperenza continua son discours, expliquant un peu plus ce qu'il s'était réellement passé.

Une fois son récit terminé, elle observa un peu les réactions de l'infirmière qui étaient assez floues au regard de la nephilim. Elle semblait partagée entre une certaine compassion et un renfermement de ses sentiments. Elle ne voulait sans doute pas trop se laisser aller, peut-être par professionnalisme, ou alors par obligation. Ou alors elle se faisait des idées et c'était une certaine peur qui la retenait. Ce n'était pas impossible au vu de ce que Esperenza venait de lui raconter. La brune aux yeux sombres savait à quel point ses semblables pouvaient être fragiles parfois.

« Celui que j'avais était cruel. Mais j'ai appris à m'en protéger pendant des années. Il m'a bien aidé pour ça. Et c'est lui qui m'a permis de l'enlever. Pas par force, mais en me dissociant du collier avant de me glisser en dehors. Je pense que je n'aurais jamais eu la force de vraiment l'arracher. C'était bien trop solide. »

La suite lui tira un sourire plutôt arrogant.

« Ce sont les faibles et les gens stupides qui font n'importe quoi qui en meurent. Je sais prendre mes précautions. »

Elle s'assombrit l'instant d'après, sa voix et son expression changeant du tout au tout.

« Mais s'il advenait qu'on m'en remette un un jour, même si je ne suis plus la proie facile que j'étais à quatre ans, alors je l'enlèverai à nouveau ou je mourrai en essayant. C'est certain. »

Une sorte de furie venait aalors gronder en elle, cette possibilité réveillant sa haine au plus profond d'elle même. La Colère qu'elle pouvait connaître plutôt bien était souvent destructrice, mais elle n'était pas ciblée cette fois-ci. Elle ne pouvait pas l'expier. Heureusement, les paroles de la médecin parvinrent à la distraire et à couper court à cette montée de rage, la ramenant à un état plus normal.

« Je veux apprendre. Je suis une meurtrière. Pas une assassin. Personne n'a à craindre de moi s'il ne m'attaque pas avant. Et surtout, il en faudrait à nouveau beaucoup pour que je perde le contrôle comme je l'ai fait avant ma... fuite. Je vois ce qui vous fait peur. Je n'irais pas tuer les Rockshire à la fin de mes études si l'Université m'accepte dans ses murs. Ni si elle me refuse d'ailleurs. C'est eux qui vont me traquer. Je les ai déjà fait payer. Même si ce n'était pas maîtrisé. »

Tiquant un peu à ce qu'elle venait de dire, la nephilim fut prise de remords, l'angélique revenant en domination de sa personnalité. Se mordant un peu la lèvre, elle dévia le regard et commença un peu à torturer ses mains. Les yeux baissés, elle hésita quelques instants avant de rouvrir la bouche.

« Est-ce que... je pourrais avoir un autre verre d'eau... s'il vous plait ?.. »

Attrapant le verre d'eau en évitant de toucher l'infirmière, soudainement plus timide après avoir été plutôt vindicative lors de ses explications, Esperenza se recula un peu sur le côté pour la laisser passer tandis qu'elle allait vers l'homme qui venait de rentrer. Évitant un peu son regard, la demoiselle aux cheveux bruns le salua quand même avec une voix un peu plus faible que celle qu'elle avait déployé pour parler à la doctoresse auparavant.

« Bonjour... Monsieur... »

Ainsi l'infirmière s'appelait Lizia. De là à dire si c'était son nom ou son prénom... La brune n'en savait rien. Se rasseyant sur son lit, la fuyarde sirota doucement ce nouveau verre. Son ventre commença à gronder doucement, la faisant un peu rougir, mais bien heureusement, les deux adultes de l'équipe éducative de l'université étaient dehors à discuter de leur côté.

Lorsqu'ils revinrent, seul l'homme lui parla, Rose restant silencieuse de son côté. Elle remarqua un peu son manège avec sa bague vert émeraude mais ne comprit pas réellement ce pourquoi il décidait de la mettre maintenant, peut-être une habitude ou un genre de toc. Enfin, qu'importe. Relevant un peu timidement les yeux vers l'inconnu qui ne s'était pas plus présenté que l'infirmière, elle hésita un instant avant de lui répondre.

« Oui... Je veux apprendre... Mais j'ai pas d'argent... Et je veux pas vendre mon collier et mes boucles d'oreille. C'est... Les seuls choses que j'ai. Et je crois qu'ils étaient à ma mère... »

Franche avec le professeur, elle se doutait que mentir à ces gens là ne servait à rien. De ce qu'elle avait entendu, ceux qui n'étaient pas intéressés par l'apprentissage finissaient tous par se faire virer. Cependant, elle, elle voulait apprendre. Plus que cela, elle le devait. Parce que sa faible maîtrise basée uniquement sur des tentatives sans aucun guide d'utilisation de sa magie par le biais de son étrange familier lui semblait bien trop faible. Elle voulait être capable de plus pour se défendre, pour ne plus être à la merci du premier rabatteur d'esclaves venu. Elle n'avait plus quatre ans, elle ne se laisserait pas attraper de nouveau par l'un de ces enfoirés. Elle ne retrouverait jamais de collier comme celui qu'elle avait enfin réussi à fuir.

« Je m'appelle Esperenza... Et... Et vous ?... »

Se mordant la lèvre de peur d'avoir été un peu trop présomptueuse à l'avoir ainsi questionné à son tour, la brune sentait aussi la faim arriver de plus en plus fort dans son esprit. Elle avait du mal à se concentrer, mais elle se doutait aussi que si un verre d'eau pouvait être gratuit, c'était moins évident pour le cas d'un repas complet. Alors elle devait faire cet effort supplémentaire et répondre aux questions de ce professeur pour oser réclamer un peu de nourriture.